La gestion des chevreaux et des agneaux

Gestion des nouveau-nés
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Le niveau de mortalité des chevreaux et des agneaux nouveau-nés peut être assez élevé par rapport à d’autres espèces. Selon certaines estimations, entre 12 et 37 % des chevreaux et plus de 15 % des agneaux3 n’atteignent pas l’âge adulte. L’évaluation des différents domaines de la gestion néonatale est essentielle pour améliorer la santé et prévenir la mortalité dans la mesure du possible.

 

Dans cette revue GAMAE, nous allons aborder les défis concernant les éléments suivants :

 

Gestion de la gestation tardive

La gestion de la chèvre ou de la brebis en fin de gestation est essentielle pour éviter que des problèmes ne surviennent à la naissance ou peu après. 

 

Nutrition

Plus précisément, l’alimentation fournie au cours du dernier trimestre peut contribuer à accroître la viabilité du chevreau ou de l’agneau nouveau-né. La sous-alimentation des chèvres et des brebis gestantes peut avoir des effets néfastes sur les nouveau-nés, car elle peut nuire ou réduire :

  • la taille du placenta et ses attaches
  • la croissance fœtale
  • l’accumulation des réserves de graisse fœtale 
  • le développement du pis maternel

Tous ces problèmes peuvent amener les chevreaux et les agneaux nouveau-nés à éprouver davantage de mal à produire de la chaleur, ce qui conduit à l'hypothermie. Ils peuvent également contribuer à l’insuffisance du développement et de la réactivité du système immunitaire, menant ainsi à une augmentation du le risque d'infection

Besoins d’énergie en fin de gestation

Pour prévenir les problèmes, il est important d’augmenter l’énergie et les protéines chez les chèvres et les brebis au cours des 4 à 6 dernières semaines de la gestation, en particulier chez celles qui portent plusieurs fœtus, qui ont un faible indice d’état de chair ou qui mettent bas pour la première fois. Cela contribuera à améliorer la santé des nouveau-nés et à prévenir les troubles métaboliques, tels que la toxémie de gestation (auquel cas la prise de volume de l’utérus peut réduire la capacité du rumen ou empêcher la chèvre ou la brebis d’élargir son estomac lorsqu’elle mange, ce qui aura un impact sur la quantité d’énergie qu’elle tire de son alimentation pour faciliter ses fonctions corporelles, ainsi que pour maintenir la croissance et le développement des fœtus). 

 

N’oubliez pas vos suppléments

L’équilibre entre les minéraux et les vitamines en fin de gestation est également une considération importante.

 

Collaborez avec votre vétérinaire et votre nutritionniste pour développer un programme nutritionnel basé sur les besoins de votre troupeau

 

Vaccination

En fin de gestation, il est recommandé de vacciner contre certaines maladies pour s’assurer que des anticorps spécifiques soient déposés dans le colostrum afin de bénéficier et de protéger les chevreaux et les agneaux nouveau-nés pendant que leur système immunitaire est encore en développement. Plus précisément, il est possible de vacciner contre l’entérotoxémie ou la maladie du rein pulpeux, causée par un type de bactérie (Clostridium perfringens de type D), lorsque le vaccin est administré 2 à 4 semaines avant la mise bas. Cette pratique, associée à une excellente gestion du colostrum et de l’alimentation, peut contribuer à prévenir l’apparition de la maladie.

Mise bas des chevreaux et des agneaux

La période qui entoure la mise bas est cruciale pour le succès futur des chevreaux et des agneaux. Plus précisément, la dystocie, ou un accouchement difficile, est un facteur clé pour prévenir la mort ou mieux gérer la réduction des taux de mortalité. 

 

La dystocie peut mener à :

  • l’hypoxémie
    • difficulté à obtenir de l’oxygène, ce qui peut entraîner des lésions cérébrales et une incapacité à produire de la chaleur
  • perturbation de la production de chaleur 
  • traumatisme

 

En général, la dystocie est causée par une position anormale du fœtus, où les pieds ou les pattes sont en arrière. Un suivi approprié de la progression de la mise bas est essentiel pour prévenir certaines des conséquences de la dystocie. La progression doit avoir lieu toutes les 30 minutes; en l’absence de progression, il faut intervenir. 

 

Source: 650 CKOM

 

Collaborez avec votre vétérinaire pour développer une stratégie d’intervention destinée à assurer une mise bas sûre et efficace afin de garantir la santé et la vigueur du chevreau ou de l’agneau et de la mère

 

Certains événements de dystocie peuvent également être évités grâce à une alimentation adéquate en fin de gestation. Plus précisément, la prévention d’un état de chair excessif permettra d’augmenter la surface disponible dans le canal de naissance afin qu’il n’y ait pas d’accumulation de graisse réduisant son diamètre.

 

Vérifiez s’il y a des jumeaux ! Si des échographies de grossesse n’ont pas été effectuées pour déterminer le nombre de fœtus à terme, assurez-vous qu’ils ont tous été mis bas pendant l’intervention.

Hypothermie (baisse de la température corporelle) et hypoglycémie (insuffisance du taux de glucose dans le sang)

L’hypothermie constitue une des plus importantes causes de mortalité, surtout en hiver et au début du printemps. La détection précoce représente un des meilleurs moyens d’empêcher les chevreaux et les agneaux de succomber à l’hypothermie. La meilleure façon de reconnaître l’hypothermie et l’hypoglycémie est de prendre la température rectale des chevreaux et des agneaux et d’observer leur comportement. Les principaux signes cliniques à observer vont de la faiblesse à l’incapacité de se tenir debout ou la position couchée. Il faut traiter les chevreaux et les agneaux âgés de plus de 5 heures comme étant atteints à la fois d’hypoglycémies et d’hypothermie. Il ne faut pas réchauffer le colostrum ni le glucose (source d’énergie) avant de l’administrer.

 

Voici les principaux éléments à prendre en considération lors du traitement1 :

L’âge 

  • < 5 heures : probablement pas d’hypoglycémie (faible taux de sucre dans le sang) en raison des réserves d’énergie présentes pour réchauffer le corps 
    • réchauffer d’abord, avant de procurer de l’énergie/nutrition
  • > 5 heures : hypoglycémie car les réserves d’énergie sont épuisées et le besoin d’énergie est immédiat
    • besoin immédiat d’une source d’énergie/de nutrition en raison de l’insuffisance d’énergie emmagasinée
    • procurer une source d’énergie/de nutrition à l’aide d’un tube de gavage, réchauffer à 37 °C et nourrir de nouveau

Présence ou absence du réflexe de tétée 

  • En l’absence du réflexe de tétée, des soins plus poussés peuvent être nécessaires, comme l’administration d’une solution à haute énergie par injection 

Température rectale 

  • Entre 37 et 39 °C
    • Hypothermie légère
  • < 37 °C
    • Hypothermie grave, intervention immédiate requise

 

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Collaborez avec votre vétérinaire pour élaborer un protocole de traitement de l’hypothermie et de l’hypoglycémie dans votre exploitation

 

L’hypothermie et l’hypoglycémie peuvent être évitées grâce aux mesures suivantes :

  • Nutrition adéquate en fin de gestation
  • Prévention de la dystocie
  • Environnement chaud, sec et sans courants d’air après la naissance
  • Prévenir l’absence de lien maternel

Comportement maternel déficient

Il est important d’établir un lien maternel pour prévenir l’hypothermie et l’hypoglycémie, une alimentation inadéquate et l’échec de la prise de colostrum. Pour établir ce lien maternel, laissez la mère et sa progéniture ensemble sur le lieu de naissance pendant au moins une heure. Si le lien ne se crée pas, il est préférable d’encourager le nouveau-né à s’alimenter correctement en utilisant le biberon.

 

Gestion du colostrum

Comme pour d’autres espèces, le colostrum est essentiel pour les chevreaux et les agneaux nouveau-nés. Les chevreaux et les agneaux dépendent de l’absorption des immunoglobulines du colostrum de la mère pour se protéger contre les maladies en début de vie, alors que leur propre système immunitaire est encore en développement. Le colostrum est également une importante source d’énergie (sous forme de gras et de glucose) qui peut aider à prévenir l’hypothermie et hypoglycémie très tôt dans la vie. Pour garantir un apport suffisant de colostrum aux agneaux et aux chevreaux de boucherie, surveillez le pis de la mère – un pis mou indiquera la consommation de colostrum. En cas de doute, ou si les chevreaux ou les agneaux sont au ralenti ou faibles, servez le colostrum à la main à l’aide d’un biberon ou d’un tube de gavage. 

Pour les chevreaux et les agneaux élevés à partir de chèvres ou de brebis laitières, il est nécessaire de donner du colostrum à la main. Il faut servir 50 ml de colostrum par kg de poids vif peu après la naissance (idéalement au cours de la première heure de vie) et 200 ml/kg en trois tétées au cours des 24 premières heures de vie. Servir une telle quantité de colostrum contribuera à la protection contre les maladies et fournira des calories supplémentaires pour rester au chaud, surtout en hiver. 

 

Source: The Kebun

Propreté du logement et du matériel d’alimentation

La propreté est un élément essentiel de la gestion des chevreaux et des agneaux nouveau-nés. Ils sont très sensibles aux infections en début de vie; c’est pourquoi il est essentiel que des pratiques de gestion soient mises en place pour réduire le plus possible le contact avec les bactéries et autres agents pathogènes afin de prévenir les maladies. Il y a plusieurs éléments clés sur lesquels il faut se concentrer pour limiter la contamination :

 

Logement

  • Aire de mise bas : C’est la première zone avec laquelle les chevreaux et les agneaux entrent en contact. En veillant à ce que cette zone soit propre, exempte de fumier et bien garnie de litière, on peut grandement contribuer à limiter l’introduction de bactéries ou d’autres agents pathogènes par la bouche ou l’ombilic des nouveau-nés
  • Logement des chevreaux et des agneaux après la naissance : Que les chevreaux et les agneaux soient logés avec leur mère au pâturage ou à l’intérieur dans un enclos collectif, il est important de veiller à ce que l’enclos soit aussi propre que possible pour éviter l’ingestion de fumier, qui pourrait provoquer la diarrhée en raison des bactéries, des virus et/ou des parasites ingérés

 

Matériel d’alimentation 

  • Ce facteur est plus important pour les chevreaux et les agneaux laitiers; l’équipement d’alimentation (biberons, seaux et cuves) peut être une source importante de contamination bactérienne. Veillez à ce que tout le matériel soit bien nettoyé, ce qui signifie :
    • rincer une première fois à l’eau chaude
    • faire tremper dans de l’eau chaude avec du détergent 
    • frotter avec du savon et une brosse
    • rincer à nouveau à l’eau chaude
    • laisser sécher

 

Ventilation

  • Pour les animaux déplacés vers des enclos collectifs après la séparation de leur mère, il faut assurer une densité de logement adéquate afin de limiter les odeurs d’ammoniac et de maintenir l’air frais. Veillez à ce que les systèmes de ventilation soient adaptés à la taille de l’étable afin de maintenir un apport d’air frais continu pour réduire la propagation des agents pathogènes respiratoires

 

Messages à retenir

  • La gestion des chevreaux et des agneaux commence avant même leur naissance en fournissant aux femelles gestantes une ration équilibrée procurant amplement d’énergie, de protéines et de minéraux
  • Lorsque la mise bas a lieu, il est important d’intervenir de manière adéquate au besoin, avec la stratégie voulue pour éviter les conséquences qui résulteraient d’une dystocie 
  • Après la mise bas, servir rapidement du colostrum en quantité suffisante et éviter le développement de l’hypothermie ou de l’hypoglycémie permettra d’assurer la bonne santé du chevreau ou de l’agneau
  • Collaborez avec votre vétérinaire et vos autres conseillers afin de veiller à ce que la gestion des nouveau-nés assure leur succès

Références

  1. Henderson, D. 2002. The veterinary book for sheep farmers.
  2. Mellor et Stafford. 2004. Animal welfare implications of neonatal mortality and morbidity in farm animals. Vet J. 168:118-133.
  3. Dwyer, C.M., J.Conington, F. Corbiere, I.H. Holmoy, K. Muri, R. Nowak, J. Rooke, J. Vipond, et J.M. Cautier. 2016. Invited review: Improving neonatal survival in small ruminants: science into practice. Animal. 10:449-459.